Huit heures du matin, un dimanche. Il fait plutôt bon aujourd'hui de ce que je peux entre apercevoir à travers les volets. Mais où est-ce que je suis ? Pas chez moi c'est sur, les draps grattent et sentent la lessive bon marché. Et qui c'est ce type ? Constant que lui comme moi sommes nus, je ne tarde pas à comprendre ce qu'il s'est passé. J'ai sans doute encore trop bu, je me suis fait draguer par un type pas trop laid et j'ai dis oui. Et résultat, voilà que comme la plus part des dimanches matins je me retrouve dans le lit d'un inconnu. Qui ronfle en plus. Je l'observe un moment. Mignon dans son genre, même s'il a l'air d'être une espèce de gigolo dansant en string sur une estrade dans une boite gay. J'aime bien m'imaginer la vie des inconnus dans ma tête, en faire un scénario. Mais au moins ce matin je n'aurais pas à lui faire le coup des croissants, je vais pouvoir partir en douce comme un voleur sans lui dire ni bonjour, ni au revoir, ni merde, ni rien.
Mes vêtements traînent par terre. Un jean slim délavé et troué, des talons hauts et un petit top noir. Simple, mais efficace je pense. Je rassemble mes affaires, me rhabille à la vas vite et enfile mon blouson de cuir noir. Et avant de sortir du minuscule appartement mal rangé de mon bel inconnu d'hier soir, je lui lance un dernier regard.
Où suis-je ? Sans doute dans les bas quartiers de New-York, que j'aimerais ne pas connaître. Brooklyn semblerait-il, vu la faune locale et les boutiques typiques de ce quartier : galeries minables pour artistes ratés, et des fast foods assez louches où je n'irais même pas essayer de manger l'un de leurs fameux hot dogs deux pour le prix d'un et la boisson offerte. Je regarde autour de moi, cherchant un endroit semblant à peu près propre et bien fréquenté. J'ai du mal à me repérer, et pourtant je suis toujours à New York la ville dans la quelle je vit et travaille depuis cinq ans. Enfin, en face de moi j’aperçois un café semblant vide. J'en ai bien besoin pour décuver avant d’appeler un taxi et de rentrer hiberner sous ma couette le reste de la journée, en prévision de la dure journée qui s'annonce lundi avec la reprise du travail. Je pousse la porte. La petite cloche tintille gaiement. C'est tellement kitsch ! Mais je crois que j'ai pas trop le choix. Pas trop de monde, ça tombe bien. Lunettes de soleil Chanel sur le nez pour cacher mon air de déterré je m'avance vers le comptoir. «
Un café noir s'il vous plaît. Sans sucre. » ça fait grossir. Et j'ai pas besoin de ça en ce moment. La tasse à l'air un peu louche, mais... Je crois qu'en Ex URSS j'ai connu pire. Je remercie le serveur avec un sourire forcé et hypocrite à souhait, lui tendant un billet de cinq dollars. «
Gardez la monnaie. »
Persuadé que rien de pire ne peut m'arriver, déjeuner dans un café miteux de Brooklyn étant déjà une épreuve, je me retourne. Et Boum. Voilà que je bouscule une gamine, renversant la moitié de mon café sur nous. Petite blonde, les yeux bleus. Sans doute une ado qui doit avoir quatorze ou quinze ans et qui veut se donner des airs de grande. POURQUOI le sort s'acharne-t-il sur moi ce matin ? «
Non mais tu peux pas regarder où tu vas ? Où tu poses tes escarpins trouvés à la friperie du coin ? » Je me fiche, si je l'aie ébouillantée ou non avec mon café. Elle n'avait qu'à pas se mettre en travers de mon chemin... Je regarde plus attentivement les fameux escarpins en question. Ainsi que sa tenue. Pas des grandes marques, oh que non. Mais quand même un certain style. Je crois que ça me donne une idée. Qui aurait pu croire que je trouverais un peu d'inspiration dans les bas fonds de New York ? «
Pardon, je me suis un peu emporté je suis grincheux le matin. » Je lui tends une serviette en papier pour qu'elle s'essuie. «
Ilya Poliakov. Je t'offre un café pour me faire pardonner ? »